Baisse du prix du lait, quasi-absence de prêts de quotas, intrants toujours chers : les trésoreries des éleveurs subissent une chute brutale, comparée à l'exceptionnelle année 2008.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
DES PAIES DE LAIT À MOINS DE 250 €/T DEPUIS LE MOIS D'AVRIL. La crise s'installe durablement dans les exploitations laitières. Rappelons que le compromis interprofessionnel du 3 juin dernier a tablé sur un prix moyen entre 262 et 280 €/t pour l'année 2009. Les prix du premier trimestre ayant été bien au-dessus, la chute est brutale et elle fait mal, économiquement et psychologiquement.
Concrètement, ce sont des pertes de trésorerie mensuelles conséquentes. Environ 1 500 € par mois pour un quota de 300 000 l. L'absence de prêts de quotas ajoute encore à la baisse du chiffre d'affaires par rapport à l'an dernier. D'autant qu'en 2008, ils avaient été exceptionnels. Ces prêts de quotas étaient très prisés par les entreprises dynamiques qui ont investi et subissent donc le poids des charges financières.
Sur le terrain, tous les discours pointent les difficultés financières des éleveurs laitiers : dettes qui s'accumulent chez les fournisseurs, demandes d'avance sur les aides Pac, etc. Il est pourtant difficile d'avoir une vue objective sur la réalité économique des exploitations.
COÛT DE PRODUCTION MOYEN : 315 €/1 000 L
Certes, les témoignages confirment des investissements bloqués, des économies sur les charges variables et des prélèvements privés revus à la baisse. Le centre de gestion Cogedis n'a pas assez de recul pour présenter des chiffres réels. Il faudra attendre les clôtures du troisième trimestre pour mesurer l'impact de cette baisse du prix du lait qui s'est vraiment fait sentir à partir d'avril. Une simple modélisation sur les exploitations du grand Ouest annonce un EBE qui chuterait de 200 à 120 €/1 000 l. Un niveau historiquement bas. Car si le prix moyen du lait en France au mois de juin(1) (255,07 €/t) est proche de celui de juin 2007 (255,72 €/t), les prix des intrants et des autres charges ont progressé. Pour preuve, le coût de production moyen donné par Cogedis s'établit à 315 €/1 000 l pour les clôtures du premier trimestre 2009 sur les exploitations spécialisées de l'Ouest. Ce chiffre n'inclut pas la rémunération de l'exploitant. Certes, il devrait baisser dans les mois à venir, mais il restera loin des niveaux de 2006-2007.
Les écarts sont énormes entre les exploitations. Les 25 % meilleurs affichent un coût de production à 240 €/1 000 l. De quoi alimenter la réflexion sur les choix techniques en production laitière.
Du côté des banques, on estime aussi que la crise est encore trop récente pour trouver des signes d'inquiétude. Dans une majorité d'exploitations laitières, les trésoreries se tendent, mais sans être dans le rouge. « On observe une baisse des liquidités sur les dépôts à vue, mais le plafond des lignes de crédits n'est pas dépassé », déclare une banque de Normandie.
Des fournisseurs peuvent aussi faire le tampon sans que la banque en soit avertie. Si beaucoup d'éleveurs ont profité de l'embellie des marchés de l'an dernier pour investir, certains, prudents, ont mis de l'argent de côté et puisent dans leur réserve. Preuve de la capacité de résistance des éleveurs, dans la région Nord-Pas-de-Calais, sur cent exploitations livrant leur lait en Belgique, donc payé à environ 220 €/1 000 l depuis près d'un an, seulement 8 % rencontrent des difficultés de trésorerie. « Pour autant, ce manque de liquidité n'est pas alarmant pour tous. Il peut s'agir simplement d'un décalage entre le besoin de financement et les rentrées réelles d'argent sur les comptes bancaires », note le Crédit agricole. Ce sont évidemment les éleveurs qui étaient déjà en difficulté avant la crise qui restent les plus fragiles aujourd'hui. Les banques pointent aussi des investissements surdimensionnés, difficiles à supporter dans cette période.
SURENCHÈRE SYNDICALE
L'accord du 3 juin prévoyait une nouvelle rencontre interprofessionnelle en septembre. On espérait alors une reprise des marchés qui n'a pas eu lieu. Les transformateurs soumis à la concurrence des laits d'Europe du Nord, moins bien payés qu'en France, tiendront-ils la barre des 280 €/t ? Certains, non sans cynisme, notent que ce n'est qu'un prix de base auquel il faut ajouter environ 20 € de prime qualité et 30 € d'aide directe laitière (intégrée aux DPU), soit 330 €/t.
L'objectif de la FNPL est de défendre quoiqu'il arrive ce prix de base. Elle demande aussi un soutien financier accru de l'État et insiste sur la nécessité d'aboutir à une contractualisation qui ne soit surtout pas individuelle. La Confédération paysanne s'y oppose totalement en agitant le spectre de l'intégration. Elle demande aux politiques européens de revenir à une maîtrise publique de la production avec notamment une baisse immédiate du quota d'au moins 5 %, gage selon elle d'une remontée rapide des prix. Les revendications de l'OPL ne sont guère éloignées, mais avec une tout autre menace : la grève du lait (voir notre article p. 26).